Le 16 juin 2025, la commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi aussi symbolique que controversée : interdire le mariage lorsqu’un des futurs époux est en situation irrégulière sur le territoire français. Derrière l’apparente volonté de lutter contre les « mariages blancs », cette disposition soulève de vives inquiétudes. Et pour cause : elle entre frontalement en contradiction avec des principes constitutionnels fondamentaux.
📜 Le contenu de la proposition
Soutenu par le député Éric Michoux (groupe UDR) et appuyé par la droite extrême et une partie des Républicains, le texte entend empêcher la célébration de mariages si l’un des futurs époux est sans titre de séjour. Il s’agirait, selon ses auteurs, de protéger les maires et de freiner les mariages « frauduleux » destinés à régulariser une situation administrative.
Déjà adopté au Sénat en décembre 2023, le texte arrivera en séance publique à l’Assemblée nationale le 26 juin 2025. En commission, les débats ont été houleux : des élus de gauche ont dénoncé une mesure discriminatoire, tandis que plusieurs députés centristes et de la majorité ont alerté sur le risque sérieux de censure par le Conseil constitutionnel.
⚖️ Ce que dit la Constitution
Ce texte n’est pas seulement discutable sur le plan moral ou humanitaire : il est juridiquement très fragile.
1. 🕊️ La liberté constitutionnelle de se marier
Le Conseil constitutionnel l’a déjà rappelé à plusieurs reprises, notamment dans sa décision du 20 novembre 2003 :
« Le respect de la liberté du mariage s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé. »
Autrement dit, être sans papiers n’empêche pas de se marier, tant que le consentement est libre et éclairé. C’est un droit fondamental, inscrit dans les principes constitutionnels français, et garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.
2. ⚖️ Le principe d’égalité devant la loi
L’article 1er de la Constitution, tout comme l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, garantit l’égalité de tous devant la loi, sans distinction d’origine ou de statut administratif. Cette proposition de loi crée une catégorie de citoyens privés d’un droit fondamental sur un critère non objectif : leur statut de séjour. Il s’agit d’une discrimination manifeste, inconstitutionnelle en l’état.
3. 🌍 Les engagements internationaux de la France
La France est signataire de plusieurs traités qui garantissent le droit au mariage sans discrimination, notamment :
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La Convention européenne des droits de l’homme (article 12),
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Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 23),
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Et la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, qui protège le droit au mariage même dans les cas de séjour irrégulier.
Si cette loi venait à être promulguée, la France s’exposerait à de nombreuses condamnations internationales.
4. 🕵️ Une présomption de fraude contraire à la justice
Enfin, cette proposition pose un problème de principe : elle repose sur une présomption de culpabilité généralisée. Elle postule que tout mariage avec une personne en situation irrégulière est potentiellement frauduleux, inversant ainsi la charge de la preuve. Or, dans un État de droit, c’est l’administration qui doit démontrer la fraude, pas aux citoyens de prouver leur sincérité avant même de se marier.
🚨 Un texte politiquement ciblé, juridiquement bancal
On le comprend bien : cette proposition de loi, portée par des considérations politiques de contrôle migratoire, se heurte de plein fouet au droit constitutionnel et au droit international.
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Elle viole une liberté fondamentale.
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Elle crée une discrimination illégitime.
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Elle inverse les principes de présomption d’innocence.
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Elle expose l’État à des recours massifs devant les juridictions nationales et européennes.
🧩 Conclusion : l’amour n’a pas de frontières… juridiques
Le mariage n’est pas un privilège que l’État accorde selon le statut de séjour : c’est un droit fondamental, universel, reconnu à tout être humain. En voulant restreindre ce droit pour des raisons administratives ou idéologiques, la loi proposée bafoue les principes fondateurs de la République française.
Le Conseil constitutionnel, s’il est saisi — ce qui semble très probable —, n’aura guère le choix : il devra censurer cette disposition.
📌 À suivre de près le 26 juin, date de la présentation du texte en séance publique. D’ici là, les citoyens, associations et juristes attachés aux droits fondamentaux ont la responsabilité de se mobiliser.
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